Instantanés / Bernard Plossu : Le regard d'Emmanuel Bacquet

Il n’aime pas trop les légendes, celles, inscrites sous les photographies, qui en chargent le sens. Il n’aime pas non plus le mythe du « photographe de légende ». « Plo » ne fait pas de manières. Il n’en a pas besoin. Si il évite les entretiens, c’est que l’important est dans ses photos, et parler pour dire le reste est très secondaire. « la photo, on la fait pour la faire ». Les confidences, les réflexions sur la forme, il les réserve aux amis, à la famille. Ses mots ont alors la même justesse que son écriture photographique ; lucides, directs. 

Sa « pensée photographique » s’est peu à peu muée en geste, à moins que ce ne soit l’inverse, quand le geste précède la pensée. Plossu ne cherche pas forcément la « belle photo ». Il n’a pas de maniérisme et ne fait pas « système » du flou, du net, du noir et blanc… 

Sa « pensée photographique » s’est peu à peu muée en geste, à moins que ce ne soit l’inverse...

 

Il cherche à être libre et si c’est avec un appareil rudimentaire alors ça lui va parfaitement. L’image doit surtout advenir furtivement, « sans réfléchir » sinon « c’est foutu ». Il est davantage préoccupé par l'équilibre du moment. Ce que Thomas Goupille a réussi à saisir ici, c’est cet autre moment où tout est à sa place : entre le café et le chant des cigales, en famille, un jour de juillet. Dans le naturalisme de cet entretien, autour des photos partagées, il y a certainement beaucoup de photographe. Il y évoque le cinéma qui compte pour lui (Bresson, Antonioni, Jessua…), puis Paris à l’Agfamatic et la liberté de photographier avec un jouet. Pour finir, il sort un à un d’une boîte, de magnifiques tirages Fresson aux couleurs intemporelles, comme on partage simplement un assortiment de pâtisseries. 

Ces mêmes images qui devaient peu après, donner lieu à la MEP à « l’Italie de Bernard Plossu » , exposition pour laquelle j’ai eu le plaisir de travailler avec lui sur les films présentés. En toute simplicité, il m’avait alors confié ce qui n’était rien de moins que le film super-huit du voyage mexicain, retrouvé dans un fond de tiroir, pour voir « si je pouvais en faire quelque chose ». 

Toujours cette sincérité si désarmante, quand, comme dans ces instantanés avec Bernard Plossu, on se sent, quinze minutes au moins, l’ami d’un grand artiste.

E.B.

Le film lié à cet article

BERNARD-PLOSSU-FRESSON-COULEUR-THEDARKROOMRUMOUR-2
15’
Bernard Plossu | Instantanés

La poésie visuelle du quotidien sous l'objectif de Bernard Plossu.