Le joyeux foutoir de Romy Alizée
(ou merci du dérangement)
Une expression artistique -et photographique- authentique se tient souvent à distance de deux bornes ; d’un côté l’exposé d’un discours esthétique ou sociétal raconté en photos, et de l’autre la production de jolies images décoratives, formalistes.
D’un côté, sursignifiantes et pontifiantes, de l’autre trop sûre de leurs attraits, mais creuse, les images deviennent alors indigestes, et ne se prennent qu’au sérieux.
Pour Romy, il est difficile d’imaginer un art qui n’a rien à dire, et tout à la fois, dans sa pratique, elle se considère artiste et non militante. Une de ses cartes maîtresses est la dérision. Jouant de la légèreté et de la distance, du détachement badin dans la création d’images, elle réalise un double tour de force :
Elle s’inscrit dans une Histoire de l’érotisme en photographie, en affirmant en même temps avec force l’appropriation d’un désir féminin et de désirs pluriels.
L’Histoire, écrite par les hommes, ne valorisait jusqu’ici que certains corps de femmes.
Soit elles étaient « malgré elles » objet de désir sécurisant et soumis, soit à l’inverse dominatrices. De même d’ailleurs pour les hommes vus par les hommes (idéalisation parnassienne et son pendant « bad-boy »).
Tout était bien genré -oups!- rangé.
Nouvelles pages d’une Histoire, nouvelle esthétique crue et drôle, regardez-y à deux fois : il s’agit juste d’une image, mais une image juste, qui s’émancipe l’air de rien de plusieurs oppressions, de genre, de classe…
On peut se sentir dé-rangé par les images que Romy nous propose, et c’est très bien ainsi ; il ne faut pas avoir les idées trop bien ordonnées, ça prend vite la poussière.